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Chapitre 3.3 : La séparation - (1203)

L'année s'étire comme un fleuve lent, chaque mois marqué par des nouvelles venues de contrées lointaines. À Marseille, les marchands affluent, apportant avec eux des récits de batailles, de trahisons et de bouleversements.r303.jpg

En janvier, la nouvelle de la reprise et du pillage d'Angers par Robert de Tourneham pour le roi Jean sans Terre se répand rapidement. Ponce Vitali, l'un des marchands les plus influents de la ville, m'informe de la situation. "Jean va perdre la Bretagne," dit-il avec un soupir, « mais il semble vouloir reconquérir le territoire. » Chaque mot, chaque regard est empreint de la conscience que ces conflits éloignés ont des répercussions sur nos vies. Vitali est un homme de petite stature, mais son port altier et ses yeux perçants dégagent une autorité naturelle. Son visage, marqué par les années passées en mer, reflète la sagesse et l'exrapérience d'un homme habitué à affronter les tempêtes.

En avril, la nouvelle de l'assassinat d'Arthur Ier de Bretagne par Jean sans Terre ébranle tout le royaume. Je me tiens dans la grande salle de mon château lorsque Boniface Borély entre, son visage grave. "Arthur est mort," murmure-t-il, « tué par son propre oncle. La Bretagne se soulève, et Jean la perd. » Mon cœur se serre à l'idée de ces jeunes vies brisées par l'ambition et la trahison. Borély, avec sa carrure imposante et son regard pénétrant, semble porter le poids du monde sur ses épaules. Ses yeux sombres brillent d'une tristesse contenue, témoignant de son empathie pour les drames humains qu'il relate.

Adalasie, toujours aussi distante, propose une solution que je n'avais pas osé envisager : demander l'annulation de notre mariage. Ses mots tombent comme une pierre dans l'eau calme d'un étang. "Roncelin," dit-elle, son regard fixé sur moi, « il n'y a plus rien entre nous. Nous devons nous séparer officiellement. » Je reste sans voix, frappé par la froideur de sa résolution.

Nous entamons les démarches pour solliciter l'annulation de notre mariage. Chaque pas dans ce processus est une épreuve. La route vers le pape est longue, semée d'embûches et de doutes. Les entretiens avec Hugues de Fer, le viguier de Marseille, sont éprouvants. Son visage austère, encadré par une barbe grise soigneusement taillée, exprime une autorité inflexible. "Roncelin," dit-il un jour, « vos intentions sont louables, mais sachez que Rome ne cédera pas facilement. » Ses yeux perçants semblent lire dans mon âme, et je ressens la gravité de mes décisions peser sur moi.



Juillet apporte une autre onde de choc : la capitulation de Constantinople. Les Génois, toujours bien informés sur les affaires de Venise, rapportent que l'empereur Alexis III Ange s'est enfui. Boniface Borély, encore lui, m'explique les détails lors d'une rencontre : "Les Vénitiens ont rétabli l'empereur Isaac II Ange et son fils Alexis IV. Mais leur règne fut de courte durée, étranglés par Alexis V Doukas." Les intrigues de pouvoir à Constantinople résonnent étrangement avec mes propres luttes internes.

Arnulphe le Normand, le chef de la garde de l'abbaye de Saint Victor, m'accompagne souvent dans mes réflexions. Son allure robuste et son visage buriné, témoignant de nombreuses campagnes, contrastent avec son ton calme et réfléchi. "Les Croisés se perdent dans leurs querelles," dit-il un jour, « ils oublient la vraie raison de leur présence là-bas. » Ses paroles résonnent en moi, évoquant la vanité des ambitions humaines.

En octobre, les échos du sud apportent des nouvelles troublantes. Diego d'Osma traverse le Languedoc, accompagné de Dominique de Guzman. Ils constatent l'expansion du catharisme, une menace grandissante pour l'Église. Lors d'une assemblée à Toulouse, Pierre de Castelnau et Raoul de Fontfroide tentent de convaincre le comte Raymond VI de Toulouse de mener une croisade sur ses terres.

Ces nouvelles amplifient mon propre sentiment de fragmentation. Tandis que le monde extérieur sombre dans le chaos, je lutte avec mes propres démons. Adalasie et moi poursuivons notre chemin séparément, chaque jour un peu plus éloignés. Ses silences, autrefois apaisants, sont maintenant des abîmes d'incompréhension. Je vois dans ses yeux une mélancolie que je ne peux plus atteindre, et cela me ronge.

Chaque étape de la séparation officielle est une blessure ouverte. Les discussions avec les représentants du pape sont longues et pénibles. On examine nos vies, nos fautes, nos échecs. Chaque mot prononcé est une incision dans mon âme.

En décembre, une assemblée de notables à Toulouse prépare le terrain pour ce qui deviendra la croisade des albigeois. Les tensions sont palpables, et je ne peux m'empêcher de voir des parallèles entre ces luttes religieuses et mon propre combat spirituel.

Hugues de Fer me convoque dans son bureau un soir. "Roncelin," dit-il, "vous devez vous préparer à l'éventualité que Rome refuse votre demande. Que ferez-vous alors ?" Son regard perçant m'oblige à affronter une réalité que je préfère éviter. "Je continuerai," réponds-je avec une détermination nouvelle, "je trouverai un moyen de reconstruire ma vie."

L'année se termine, laissant derrière elle un sillage de pertes et de changements. Les informations de l'extérieur continuent d'affluer, chaque nouvelle renforçant le sentiment que le monde est en constante évolution. Pourtant, au milieu de ce tourbillon, je ressens une étrange paix. La séparation d'Adalasie, bien que douloureuse, m'offre une sorte de libération.

Le vent du changement souffle sur Marseille et sur ma vie, emportant avec lui les vestiges d'un passé révolu. Je me tiens sur le seuil d'une nouvelle époque, prêt à affronter les incertitudes de l'avenir avec une résolution renouvelée. Chaque visage, chaque interaction, de Ponce Vitali à Arnulphe le Normand, me rappelle que nous sommes tous des éclats d'un monde en pleine mutation, cherchant à trouver notre place dans l'immensité de l'histoire.



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