La chaleur de la grande salle contraste avec l'air froid du matin qui règne encore dans les ruelles étroites de Marseille. Les lourdes pierres des murs suintent une humidité persistante, malgré les braseros disposés à intervalles réguliers pour réchauffer l'atmosphère. De riches tapis d’Orient, brodés de motifs floraux et de scènes de chasse, couvrent le sol inégal, étouffant les bruits de pas. Les poutres massives du plafond, noircies par la fumée des chandelles, ajoutent à l'impression de gravité qui pèse sur l'assemblée. De hautes fenêtres étroites, protégées par des vitraux en losanges de verre soufflé, laissent entrer une lumière tamisée, accentuée par les reflets pourpres des tentures de soie qui ornent les murs.
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Chapitre 1.5 : Retour à Saint-Victor (Mars 1193)
Je traverse les portes massives de l’abbaye de Saint-Victor sous un ciel gris, le pas alourdi par l’incertitude. L’ombre des tours me ramène à la réalité : je ne suis plus seulement un frère en quête de rédemption, mais un homme pris dans les engrenages d’une lutte pour la survie de Marseille et de son héritage. Barral de Peynier, mon jeune cousin, m'a accompagné depuis Trets.Arnulphe m’attend dans la salle capitulaire, flanqué de Basile. Leur présence m’apaise : ces deux hommes, si différents l’un de l’autre, incarnent deux piliers essentiels de ma cause. Arnulphe, avec sa stature imposante et son regard perçant, est un guerrier né, un homme de terrain capable d’organiser la défense de l’abbaye et de la ville. Basile, plus discret mais tout aussi efficace, est un maître de la gestion et de la logistique, un rouage invisible mais vital.