Dans les rives ensoleillées de Bharukaccha (aujourd'hui Bharuch, dans le Gujarat), un port grouillant de vie et d’opulence au XIIe siècle, naquit Ananta Varma, fils aîné d’un noble marchand de la caste des Kshatriya. Son père, Vatsala Varma, combinait l’art du commerce et celui de la guerre, protégeant les navires de sa flotte contre les pirates de la mer d’Oman. Ananta, élevé dans le faste des palais du port, excellait à cheval et maîtrisait dès son jeune âge le talwar, la lame recourbée des guerriers indiens. Mais il portait aussi le poids d’une tradition rigide : la caste des Kshatriya exigeait qu’il suive les traces martiales de ses ancêtres.
Un dilemme tragique le fit vaciller. À l’aube de ses vingt-cinq ans, son père exigea qu’il épouse une jeune fille d’une famille alliée pour sceller une alliance commerciale. Pourtant, le cœur d’Ananta appartenait à Devika, une courtisane brahmane dont la beauté égalait l’éclat de la lune. Une union avec elle serait non seulement un déshonneur, mais une violation des lois rigides des castes. Confronté à cette injonction, Ananta tenta de négocier avec son père, mais le vieil homme resta inflexible. Devika fut bannie du domaine familial, et Ananta, déchiré entre le devoir et le désir, choisit l'exil pour préserver son amour et son honneur.
Ainsi débuta son odyssée. Avec quelques serviteurs loyaux, il embarqua sur un navire marchand en direction d’Ormuz, emportant avec lui ses armes, un coffret d’or, et un cheval arabe qu’il considérait comme son frère d’armes. Les routes commerciales, bien que prospères, étaient semées d’embûches. À Aden, il dut vendre une partie de son or pour racheter son navire des griffes d’un émir local. À Alexandrie, l’appel des croisades et les conflits entre Francs et Ayyoubides rendaient le passage périlleux, mais il trouva refuge auprès d’un marchand juif qui l’aida à rejoindre la Sicile.
De là, Ananta parvint à Marseille en l’an de grâce 1200. Il était désormais seul, ses serviteurs dispersés, son or réduit à quelques pièces, et son cheval, fatigué mais fidèle, marchait à ses côtés. Sur le port de la cité phocéenne, il découvrit une mosaïque de langues et de visages étrangers. Mais la richesse de ses origines était désormais un souvenir lointain. Pour un noble Kshatriya, la misère était une disgrâce pire que la mort, et Ananta, malgré son orgueil, n’avait d’autre choix que de s’engager comme mercenaire au service de la ville.
Le capitaine des milices marseillaises, impressionné par sa stature et sa maîtrise des armes exotiques, lui accorda une chance. Ananta, devenu l’étranger au sabre courbé, gagna bientôt une renommée parmi ses compagnons d’armes. La noblesse locale le considérait avec une curiosité teintée de méfiance, mais les gens du peuple voyaient en lui une légende vivante, le guerrier des mers venu d’un monde lointain.
Ananta trouva dans le service militaire une forme d’acceptation, mais son regard se perdait souvent vers l’horizon, là où les eaux de la Méditerranée murmuraient des souvenirs du Gange et des temples dorés de Bharukaccha.
Devise : "अग्नि शरणं" (Agni Sharanam, "Refuge dans le feu")
Une devise en sanskrit, rappelant la foi dans le feu sacré de son héritage indien. Elle exprime sa résilience et sa capacité à renaître de ses épreuves.