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Chapitre 2.6 : La bataille de Fontvielle (1/2)

La lumière froide de l’aube se reflète sur nos armures, et le silence qui précède la bataille pèse sur nos âmes. Tout autour de moi, les hommes ajustent leurs boucliers, murmurent des prières ou fixent l’horizon, les mâchoires serrées. Je me tiens droit, le souffle mesuré, cherchant dans mes propres entrailles le courage que je dois leur montrer. Si je fléchis, ils fléchiront.

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Le premier cri s’élève, puis un autre. Les trompe retentissent dans nos rangs. L’ordre est donné. Nous avançons.

Les Sarrasins, eux, se déploient en plusieurs lignes sur la hauteur. Leurs archers, vêtus de tuniques aux couleurs éclatantes et d’écharpes protégeant leur visage de la poussière, forment la première vague. Leurs arcs, légers mais mortels, envoient un flot ininterrompu de flèches qui crépitent comme une pluie de grêle sur nos boucliers. Derrière eux, la cavalerie légère, armée de lances et de cimeterres, se tient prête à fondre sur nous. Plus loin, j’aperçois leurs cavaliers lourds – des hommes en cuirasses sombres, coiffés de turbans imposants – ils attendent leur heure.

Un sifflement aigu traverse l’air, suivi par le choc sourd d’une flèche se plantant dans un bouclier. Je sens le poids des projectiles s’intensifier sur nos lignes. Mes hommes plient sous l’impact, mais personne ne recule. Les croisés de Villiers et Hennoncourt, postés à ma droite, encaissent aussi, leur armure lourde leur offrant une meilleure protection. À ma gauche, Victor de Fer, le frère du Viguier, tient fermement l’étendard de Marseille, une croix bleue sur fond blanc. Ses yeux brillent d’une détermination farouche.

Les chevaux rechignent à avancer sous ce déluge de fer. Je n’ai pas le choix : je donne l’ordre de mettre pied à terre. « Démontons ! Formez le mur ! » Les hommes obéissent avec la précision d’un mécanisme bien huilé. Je vois Victor de Fer, le frère du Viguier, descendre de sa monture et lever haut l’étendard à croix bleue de Marseille. Un cri de ralliement s’élève?: «?Marseille?! Pour la croix et la cité?!?» Et un à un, nous mettons pied à terre. Les croisés descendent à leur tour, regroupant leurs forces derrière leurs boucliers.

En face, les Sarrasins redoublent d’efforts. Leurs archers adaptent leurs tirs, visant au-dessus de nos boucliers pour atteindre nos sergents. Des cris de douleur s’élèvent. Bernard d’Aspremont, surnommé l’Ours Blanc, hurle des ordres pour maintenir les rangs. Il rugit comme un lion blessé et continue d’avancer, son grand écu levé au-dessus de lui. Cet homme, massif et imposant, est une forteresse en lui-même. À chaque flèche qui s’approche, il réagit avec une rapidité presque surnaturelle, bloquant les projectiles avec son écu ou les renvoyant du plat de son épée. À ma droite, un jeune écuyer s’effondre, une flèche fichée dans son cou.

Chaque homme ici a un rôle à jouer, et moi plus que tout autre. Les minutes s’étirent comme des heures. L’assaut devient une épreuve d’endurance. Chaque pas est arraché à la terre sous une grêle de flèches et de pierres. Gaspard de Nans, ce jeune chevalier à l’allure discrète, protège un groupe d’écuyers en les maintenant sous le couvert de son large écu. Je le vois, un instant, lever son regard déterminé vers moi avant de se jeter dans la mêlée. Jean de Byoncourt, ce Lorrain à la parole rare, fend l’air avec sa lame massive, ouvrant un chemin à ceux qui le suivent. Pourtant, le poids de leur nombre se fait sentir. Nous ne pouvons plus avancer, seulement tenir.

Alors que mes bras commencent à protester sous le poids de mon bouclier, un grondement retentit sur notre flanc gauche. Des formes sombres émergent des ombres : les Templiers et les Hospitaliers. Montés sur leurs destriers massifs, ils escaladent au trot une pente plus douce, leurs armures étincelant dans la lumière grandissante. Leurs bannières frappées de croix rouges se dressent fièrement, et leurs hennissements emplissent l’air comme un cri de guerre.

Leurs chevaux, habitués à la violence des batailles, écrasent les archers ennemis qui tentaient de ralentir leur avancée. Les lignes légères des Sarrasins se disloquent sous l’impact. Les Maures tentent de se replier, mais ils se retrouvent piégés, forcés de reculer vers leurs troupes lourdes. Une confusion s’installe chez l’ennemi.

Je hurle à mes hommes : « Tenez vos positions ! Nous avons l’avantage ! » Ils répondent par un cri unanime. À ce moment, Victor de Fer, à mes côtés, repousse une attaque directe visant notre étendard. Malgré une blessure visible sur son bras gauche, il ne cède pas. « Tant que ce drapeau flotte, Marseille tiendra ! » clame-t-il.

À ma droite, les Baussenques, enfin en position, enfoncent les rangs ennemis. La coordination de l’assaut est parfaite. Pris entre deux machoires d'acier, les Sarrasins vacillent.

Je sens la nasse se refermer, mais je sais que notre rôle n’est pas encore terminé. Nous devons tenir cette position coûte que coûte, empêcher l’ennemi de fuir par le Sud.

Le soleil grimpe haut dans le ciel, et la chaleur commence à peser sur nos armures. Je bois à peine, partageant mes dernières réserves avec un jeune soldat dont les lèvres sont bleuies par l’effort. La journée semble interminable.

Ma propre armure est entaillée en plusieurs endroits, et une flèche a traversé mon écu pour se loger dans mon avant-bras. La douleur est vive, mais je n’y prête pas attention. Si je faiblis, mes hommes perdront courage. Nous devons tenir jusqu’à ce que nos alliés, les Baussenques et les Toulousains, achèvent leur manœuvre.

De l’autre côté de la colline, Hugues des Baux et ses hommes attaquent les cavaliers lourds ennemis. Leur tactique est redoutable : ils harcèlent les Sarrasins avec des charges rapides, avant de se retirer derrière la crête pour éviter les contre-attaques. Leurs destriers, agiles et robustes, semblent danser entre les lignes ennemies. Je ne peux qu’imaginer le chaos qu’ils sèment là-bas.

Enfin, alors que le soleil commence à décliner, un rugissement s’élève du Nord-Ouest. Les Toulousains ! Je distingue leurs bannières écarlates ornées de croix d’or. Ils dévalent la pente en une vague inexorable, fauchant les Sarrasins restants. C’est la délivrance. Pris en étau, nos ennemis n’ont plus nulle part où fuir. Certains tentent de résister, mais leurs forces sont trop amoindries. D’autres abandonnent leurs armes et se rendent.

Alors que la poussière retombe, je prends un instant pour regarder autour de moi. Mes hommes sont épuisés, mais un sourire naît sur leurs visages. Nous avons tenu, et nous avons vaincu. La bataille de Fontvieille est gagnée, mais à quel prix ?

Je m’appuie sur mon épée pour rester debout. Le sang coule de mes blessures, mais ce n’est rien comparé à l’orgueil et au courage que je vois dans les yeux de mes compagnons. Marseille a tenu bon, et l’histoire se souviendra de ce jour.


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