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Chapitre 1.8 : 1194 Ross et Diogo

Mais cet équilibre ne plaît pas à tout le monde, et surtout pas au Roi d’Aragon. Par des manœuvres diplomatiques habiles, il commence dès l'année 1194 à me discréditer. Ses émissaires colportent des rumeurs, relayées par certains hauts prélats de Catalogne et d’Italie. Ils m’accusent d’avoir renié mes vœux monastiques, allant jusqu’à demander au Pape de me forcer à les honorer ou de m’excommunier.

Remercier l'auteur

EHK 14 garde-de-palais-nubien-pe75071.jpgCes calomnies viennent troubler une année déjà marquée par des bouleversements majeurs en Europe. Le 4 février, le roi Richard Cœur-de-Lion est relâché après le paiement d’une rançon colossale, reprenant aussitôt ses devoirs royaux. Quelques semaines plus tard, il revient en Angleterre, avant de repartir sur le continent pour régler ses différends avec Philippe Auguste, laissant derrière lui un royaume sous la régence de Hubert Walter.

Pendant ce temps, en Sicile, la mort de Tancrède de Lecce le 20 février laisse son fils Guillaume III comme roi, sous la régence de sa mère, Sibylle d’Acerra. Ce règne ne sera cependant pas long, car dès novembre, Palerme tombe aux mains de l’empereur germanique Henri le Cruel, marquant un tournant dans l’histoire du royaume normand de Sicile.

Dans ce contexte, mes détracteurs gagnent du terrain. Leurs accusations atteignent même les oreilles de certains consuls marseillais, semant le doute dans l’esprit de mes alliés. Pourtant, je garde foi en la justesse de ma cause et en la solidité de mes appuis.

C'est ce printemps-là que se produit l’arrivée d’un chevalier gallois, Ross Bradenstock. Croisé revenu de Terre Sainte, il débarque à Marseille, épuisé et sans le sou, mais avec une aura de mystère et de noblesse. Son équipement est modeste, mais son blason arbore fièrement trois coquilles, symbole de son pèlerinage à Jérusalem, qu’il revendique comme triplant la valeur de celui de Rome.

Ross m'est présenté par le capitaine du navire qui l'a ramené, et par Hugues de Fer, mon viguier, qui a entendu parler de ses exploits lors des croisades. Hugues insiste pour l’embaucher dans le guet, mais je ne peux me résoudre à voir un chevalier de son prestige se contenter d’un tel poste. Faisant fi de son aspect misérable, je lui offre de servir selon son statut de chevalier avec la solde correspondante. Touché par mon geste, Ross me jure fidélité.

Il ne tarde pas à montrer une autre facette de sa personnalité : un artiste passionné. Dans ses moments de loisir, il dessine et peint des scènes de son pèlerinage, des paysages de Terre Sainte et des portraits de ses compagnons d’armes. Ses œuvres captivent par leur détail et leur vivacité, offrant une fenêtre unique sur les croisades.

Au début de l'été, les tensions avec le Roi d’Aragon s’intensifient. Ses émissaires ne se contentent plus de simples rumeurs; ils cherchent à saper mon autorité en manipulant les alliances. Je dois réagir rapidement pour maintenir l’équilibre fragile de la Vicomté.

C’est dans ce climat que je reçois une missive de Lisieux, annonçant la victoire du roi Richard à la bataille de Fréteval et son retour triomphal en Angleterre. Sa détermination à reconquérir ses terres me rappelle l’importance de la résolution et du courage face à l’adversité.

C'est également durant cette année que j'ai fait la rencontre de Ntchororo Diogo, plus connu sous le nom de Carlo Diego. L'incident qui l'amena devant la justice du Viguier reste gravé dans ma mémoire. Ce jour-là, un tumulte éclata sur le port de Marseille. Ntchororo, un homme imposant, bâti comme Sanson, avait été accusé d'avoir causé des dégâts lors d'une altercation avec des marchands.

Hugues de Fer et moi-même fûmes convoqués pour juger son procès. Basile de Makourie, le seul autre homme noir de la cité à cette époque, se joignit à nous par curiosité. L'accusation était grave, mais Ntchororo se défendit avec éloquence et dignité, expliquant que l'incident avait été provoqué par des insultes à son égard.

Impressionné par sa prestance et sa maîtrise des langues, je décidais de lui accorder une chance. Basile, qui avait lui-même connu l'ostracisme, plaida en sa faveur, soulignant la valeur que Ntchororo pourrait apporter à notre communauté. Après délibération, le Viguier prononça une amende, peine légère immédiatement réglée par Raynier son employeur. Je pris aussi Ntchororo sous ma protection, reconnaissant en lui un potentiel inestimable.

Les jours suivants confirmèrent mon intuition. Ntchororo s'intégra rapidement, apportant sa force, son intelligence, et son charisme à notre groupe. Son histoire, si riche en mystères, ne faisait que commencer, et je savais qu'il jouerait un rôle crucial dans les défis à venir.

Très vite, il se rapproche de Basile, qui un jour me résume sa jeunesse. Il avait grandi au delà du grand désert au pays de l'Or. Après avoir été converti, jeune, à l'Islam par un capitaine maure, il se révéla fort doué pour les langues et travailla à son propre compte comme truchement dans le port Maure de Salé. Là il fit la connaissance du Capitaine Raynier, un marchand Marseillais de bonne réputation qui l'emmena avec lui sur les mers à la fois comme garde du corps et interprète personnel. Raynier est d'ailleurs son parrain dans la foi chrétienne qu'il professe depuis.
Raynier étant âgé, il s'acquitte, comme plusieurs de ses confrères, de son service armé pour la cité en pourvoyant à l'entretien de plusieurs marins mais je dois aller le convaincre en personne de laisser Diogo s’entraîner avec Basile et apprendre les rudiments de la chevalerie.

Alors que l’année avance, je continue à renforcer mes liens avec mes alliés et à contrer les attaques diplomatiques. La prise de Palerme par Henri le Cruel en novembre m’offre un répit, car l’attention du Pape se tourne vers la Sicile et les atrocités commises là-bas.



L’année se termine sur une note de prudence. Je sais que mes ennemis ne resteront pas inactifs, mais je suis prêt à affronter les défis à venir, fort de la loyauté de mes hommes et de la foi en ma mission.



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