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Chapitre 1.12 : L'enlèvement (1198)

La brise matinale qui souffle sur Marseille semble porter avec elle un pressentiment. Je sens le poids de mes choix, ces derniers mois étant marqués par des écarts que je n'ai pas su maîtriser. Adalasie, mon épouse, ressent ce que je tente de lui cacher. Son regard est interrogateur, empreint d'une tristesse silencieuse. Ce matin, alors que je me prépare à quitter notre demeure, elle m'interpelle doucement.
« Roncelin, ça fait des semaines que je te sens distant. Tu n'es plus le même. Y a-t-il quelque chose que tu ne me dis pas ? »

Remercier l'auteur

r112.jpgJe baisse les yeux, cherchant mes mots. « Ce ne sont que les affaires de la ville, les tensions grandissantes, les réunions interminables... et l'entraînement. Tout cela pèse lourdement sur mes épaules. »

Elle me scrute longuement avant d'acquiescer. Mais je vois dans son regard qu'elle n'est pas convaincue. Elle m'aime, mais elle sent quelque chose. Pourtant, elle n'insiste pas.

La journée s'écoule lentement. Les chevaliers autour de moi commencent à montrer leurs véritables couleurs. Les événements récents les poussent à choisir leur camp. Certains, autrefois fidèles, se détachent, influencés par les promesses et les menaces venues d'ailleurs. Je ressens leur distance croissante, et cela me ronge.

Plus tard, je prends une décision. Je dois rompre avec Mathilde. Cette liaison ne peut continuer, et je dois retrouver un semblant d'intégrité, pour moi, pour Adalasie, pour Marseille. La maison de Mathilde est à l'écart, dans une ruelle tranquille. Le crépuscule jette des ombres longues et mouvantes sur les murs. Lorsque j'entre, une lourde tension emplit l'air. Mathilde sait que c'est la fin.

Mais avant que je ne puisse parler, des hommes masqués surgissent de l'ombre. L'un d'eux me frappe à la tête. Le monde bascule.


Je me réveille dans une obscurité oppressante. L'air est humide, froid. Une douleur sourde martèle ma tête, et je me rends compte que je suis enchaîné au mur par la cheville. La pierre est rugueuse sous mes doigts, et je peux sentir la texture du calcaire. Une lumière diffuse et blafarde filtre par un tunnel étroit, projetant des reflets tremblants sur les murs blancs de ce qui semble être une immense carrière souterraine.

Les heures s'étirent, interminables. Le silence est seulement brisé par le son régulier de l'eau qui s'écoule quelque part. Mes gardiens apparaissent périodiquement, toujours silencieux, leurs visages cachés par des capuchons sombres. Je tente de leur parler, de leur soutirer des informations, mais ils ne répondent jamais.

Le temps perd tout son sens dans cet endroit étrange. Je ne sais plus distinguer le jour de la nuit. Les reflets sur les murs changent imperceptiblement, signalant le passage des heures, mais ils ne suffisent pas à régler ma perception. Je me raccroche à mes pensées, à mes souvenirs, mais ils deviennent flous, comme si cette captivité était en train de me dérober mon esprit.


Je suis seul avec mes pensées, enchaîné au mur de cette carrière souterraine, le silence n'étant rompu que par les gouttes d'eau qui tombent régulièrement du plafond. Le jour, je ne perçois que le reflet pâle du soleil sur les murs blancs du tunnel. Les heures s'étirent, chaque seconde semblant durer une éternité.

Un soir, alors que je m'efforce de garder l'esprit clair malgré la fatigue et la faim, l'un de mes gardiens reste seul avec moi. Les autres sont partis je ne sais où. Soudain, une voix inconnue l'appelle depuis l'extérieur du tunnel. Il se lève, visiblement agacé, et disparaît dans le couloir. Les minutes passent, je tends l'oreille, mais je ne peux entendre leur conversation à distance.

Peu après, le gardien revient, accompagné de deux figures que je reconnais instantanément : Guilhem d'Ussel et Robin de Locksley. Le visage de mon geôlier est pâle, marqué par la terreur. Sans un mot, il s'empresse de me libérer de mes chaînes, les mains tremblantes, jetant des regards craintifs vers les deux guerriers.

Robin, avec son charisme naturel et son regard perçant, semble contrôler la situation d'un simple coup d'œil. Guilhem, plus réservé mais tout aussi imposant, reste en retrait, sa main prête à dégainer son épée si nécessaire. Une fois libéré, je tombe à genoux, mes membres engourdis par l'immobilité prolongée. Robin me relève avec douceur, un sourire rassurant sur les lèvres.

Nous sortons alors de la carrière. L'air libre frappe mon visage, un souffle de liberté que je n'espérais plus. Mes yeux, habitués à l'obscurité, sont éblouis par la lumière du jour. Je chancelle, soutenu par Guilhem, tandis que Robin veille sur nous, son regard scrutant les alentours pour toute menace éventuelle.

À ma gauche, à mesure que ma vision s'ajuste, je distingue le paysage de Provence. Les collines ondulent sous le ciel bleu, les champs d'oliviers s'étendent à perte de vue. Et là, dominant la région, le château des Baux se dresse fièrement sur son éperon rocheux. Ce spectacle familier, après tant de jours passés dans l'obscurité, est presque irréel.

De retour à Marseille, Guilhem raconte l’histoire de ma délivrance à ceux qui s’étaient rassemblés pour nous accueillir. « Lorsque vous avez disparu, nous étions nombreux à craindre le pire. Les enfants Ubaldi, déguisés en saltimbanques, étaient arrivés à Marseille sur ordre du Cardinal Ubaldi pour enquêter au nom du pape. Robin, lui, recueillait des informations pour Richard d'Angleterre, tandis qu’Ibn Rushd fuyait les persécutions du nouveau cadi de Marrakech. Leur aide a été précieuse. »

Avec leur soutien, nous avons suivi les indices jusqu'au château des Baux. » Il décrit alors les carrières souterraines où j'étais détenu et la manière dont ils ont infiltré le château en se faisant passer pour des saltimbanques. « Hugues des Baux était affaibli, » poursuit-il, « et Barrale, sa femme, était sous l'influence de ces bandits, manipulée par des flatteries et des mensonges. Leur but ultime était de briser notre alliance. Mais grâce à la coordination de notre groupe, nous avons réussi à vous libérer, ainsi que Hugues et Barrale. »

Il continue, détaillant les efforts pour infiltrer les rangs des bandits. « Ces malandrins, proches de l’entourage de Hugues, avaient un plan bien plus vaste. Ils comptaient exploiter la maladie de Hugues et manipuler Barrale pour semer le chaos. »

Les souvenirs de ma captivité remontent alors que Guilhem parle, chaque mot ravivant l’angoisse et la douleur que j’ai ressenties. Mais en même temps, je ressens une immense gratitude envers ces hommes qui ont risqué leur vie pour me sauver. Guilhem conclut son récit avec un regard sérieux : « Grâce à notre intervention, nous avons pu non seulement vous libérer, mais aussi déjouer leurs plans machiavéliques. »

Les jours suivants sont marqués par l’incertitude. Les coupables sont pendus sur la place publique, mais leurs aveux avant leur exécution révèlent une vérité inquiétante : ils avaient été payés par le Roi d’Aragon pour déstabiliser notre région. Cette révélation laisse un goût amer, car elle signifie que notre lutte pour protéger Marseille ne fait que commencer.

Alors que je me retire dans mes quartiers, je me demande comment regagner la confiance d'Adalasie. Elle m'a vu revenir, mais je lis dans ses yeux les questions qu'elle n'ose poser. Marseille se prépare à affronter de nouveaux troubles, et je sais que je devrai être plus fort, plus intègre. Mais le poids de mes erreurs passées me suit, et l'incertitude m'envahit. Comment réparer ce qui a été brisé ?

La nuit avance, et avec elle, les ombres du passé viennent hanter mes pensées. Le chemin vers la rédemption sera long et semé d'embûches, mais je dois avancer. Pour Adalasie, pour Marseille, et pour moi-même.



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